Qu'est-ce que le design ?

Pour répondre à cette vaste question, nous vous proposons ici un extrait d'ouvrage de Raymond Guidot.

Raymond Guidot (1934-2021) était un grand théoricien et historien du design ayant écrit Histoire du design de 1940 à nos jours, Histoire des objets ou encore Objets anonymes. Référence dans le domaine de l'histoire du design, enseignant à l'École nationale supérieure de création industrielle à Paris, sa définition du design est la plus claire, la plus précise et la plus utilisée dans le monde.

"Il y a [...] lieu de s'interroger sur le sens et la portée culturelle d'expressions comme "production de masse", ou de mots comme "design", qu'on emploie lorsqu'il s'agit d'affirmer le souci de maîtriser globalement la production des objets utiles conçus par l'homme. Issu d'un vocabulaire spécialisé des années de l'après-Seconde Guerre mondiale, le terme "design" a trouvé depuis une audience élargie.

Si d'aucuns considèrent que "design" vient du français "dessigner" ou "desseigner" qui, jadis, signifiait à la fois montrer, indiquer, dessiner, c'est néanmoins en référence à un usage anglo-saxon qu'il s'est imposé [...] au cours des années soixante. En français, le terme n'a cependant pas tout à fait le même sens qu'en anglais, où, sans autre précision, il concerne un certain état d'esprit, une manière d'aborder la "conception" d'un objet nouveau. Ainsi, les Anglo-Saxons l'utilisent-ils aussi bien pour désigner les produits de l'artisanat que pour ceux de série fabriqués en usine : appareils, machines, véhicules, meubles, outils, ustensiles, vêtements, mais également tissus, papiers peints, imprimés, affiches, etc., sans oublier, lorsque leurs éléments sont préfabriqués en atelier, les bâtiments et les ouvrages d'art. Pour préciser le secteur auquel le terme se réfère, les Anglo-Saxons lui adjoignent, de toute manière, un adjectif, et parlent alors de "product design", de "graphic design", de "shelter design", etc.

En France, dans un premier temps, lorsqu'il prend la relève d'"esthétique industrielle", le terme concerne essentiellement le domaine de l'"industrial design", et plus spécifiquement la production de série en usine des objets de consommation. Rapidement, il va pourtant devenir synonyme de recherche stylistiquement innovante – pouvant aller jusqu'à un effet de mode – et sera alors plus nettement lié au mobilier et à l'architecture intérieure. Dans une large mesure, c'est ainsi qu'il est encore perçu aujourd'hui.

Selon une acceptation désormais internationale, on peut néanmoins parler de "design" dès lors qu'il s'agit de concevoir un objet en vue d'une production industrielle, et particulièrement d'une production de série. "Design" caractérise alors la part de création qui, dans la conception d'un objet (ou système d'objets), assure la cohérence entre les impératifs techniques de fabrications, la structure interne de l'objet, sa valeur d'utilisation et son aspect. Ainsi défini, il apparaît bien comme historiquement lié à la révolution industrielle, et son vaste champ d'application concerne toute la production d'environnement à l'heure de la production mécanisée. Cela sous-entend, bien-sûr, que la pièce unique n'entre dans le champ du design que si elle est un prototype destiné à une production de série, ou que si elle n'a pu être conçue et réalisée par les moyens mécaniques voire informatiques, propres à l'industrie. Quant à l'objet réalisé artisanalement, il relève lui aussi du design lorsqu'il constitue un jalon suffisamment important dans la conceptualisation de l'utile pour que la production industrielle décide de s'y référer."


Raymond Guidot, Histoire du design 1940-1990. 368 p. Hazan, 1994. ISBN 2-85025-373-1

Avez-vous trouvé cet article utile ?